Depuis près de deux ans, tous les acteurs politiques et économiques nous rebattent les oreilles de considérations et d’analyses plus alarmistes les unes que les autres sur les effets de la crise, comme si le citoyen lambda ne la vivait pas déjà au quotidien.

Or, nul besoin d’être grand clerc pour constater que la crise s’est bel et bien installée depuis un bon moment : le chômage s’accentue, les prix ne cessent d’augmenter alors que les salaires stagnent. Dans le même temps, le fossé se creuse de plus en plus entre les classes sociales, et les inégalités deviennent de plus en plus insupportables : quand les dirigeants des grandes entreprises empochent des salaires à faire pâlir, et leurs actionnaires de jolis dividendes, quand les banques réalisent des profits qui laissent rêveurs, ceux que l’on désigne comme composant la classe moyenne perdent de plus en plus de pouvoir d’achat et rencontrent des difficultés grandissantes pour vivre normalement. Quant aux « nouveaux pauvres », leurs rangs grossissent inexorablement. Ce constat, c’est une réalité !

Or, au-delà de ce constat, il semble que la crise serve de prétexte pour imposer une politique de rigueur et d’austérité à tous les niveaux. Le service public et ses salariés sont en première ligne pour servir de curseur d’ajustement au gouvernement et sont désignés comme à chaque fois lorsque le gouvernement est en difficulté, comme étant les principaux responsables des déficits publics. Ce sont donc eux qui subissent la plus grande part des mesures de restrictions : réductions des moyens humains, notamment dans les services publics locaux, pression sur les salaires qui, du fait de leur blocage depuis de nombreuses années, font des agents publics les grands perdants en matière de pouvoir d’achat.

Pour conduire cette politique de rigueur vis-à-vis de la Fonction et du service publics, la crise sert de prétexte. En effet, le gouvernement ne fait preuve d’aucune imagination pour sortir de cette situation, et invariablement, toutes les mesures prises vont dans le sens d’une diminution de l’intervention publique.

Entre la réalité, que nous pouvons tous comprendre, et le prétexte, la crise a bon dos, ce d’autant plus qu’elle permet aussi de réduire le dialogue social à sa plus simple expression ! Et pourtant, d’autres pays, notamment l’Allemagne, ont su, en pratiquant un dialogue responsable avec les partenaires sociaux et en les respectant, développer une politique plus apaisée, en optant pour l’évolution des salaires du public comme ceux du privé. Ces pays ne se trouvent pas pour autant dans de plus grandes difficultés que la France, et ont même réussi, grâce à ces politiques de dialogue, à faire adhérer l’ensemble des citoyens à certaines mesures nécessaires, que nous ne contestons pas en ces temps de crise.

Puissent ces expériences inspirer nos propres gouvernants, car il n’y a aucune honte à copier chez le voisin des recettes qui réussissent.

Antoine Breining
Président fédéral